Le manque de transparence pointé du doigt
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Le manque de transparence pointé du doigt

En réponse aux appels de détresse des familles en difficulté dues à la crise sanitaire engendrée par la Covid-19, l’Etat a mis en place le Comité Loharano. Cette structure se charge du suivi de l’éxecution des programmes d’assistance et protection sociale dans les fokontany. La distribution des aides humanitaires a également marqué la période de crise sanitaire. Pourtant, des anomalies ont été soulevées. Les Organisations de la Société Civile apportent des critiques et proposent des recommandations pour permettre à l’Etat et ses agences partenaires d’améliorer leurs interventions.

Le président de la République Andry Rajoelina a annoncé la mise en place du Comité Loharano sur le plateau de la télévision et la radio nationale au début du mois d’avril 2020. Les personnes intègres, non corrompues, de bonne volonté et dignes de confiance à savoir les médecins ou représentants du personnel médical ainsi que les hommes d’Églises et bien d’autres… issues de la communauté de base ont été requis dans les critères de sa conception. Les membres devraient être composés d’office du chef secteur, du chef fokontany, coordonnés par le maire et contrôlés par le député de la circonscription. Le Comité Loharano avait comme principale mission de suivre l’exécution des programmes d’assistance et protection sociale par Fokontany, comme le Vatsy Tsinjo, le Tosika Fameno et le Sosialim-bahoaka et d’assurer la transparence de la distribution auprès des ménages. Pourtant, l’opérationnalisation de cette structure de proximité reste encore floue. Les habitants pointent du doigt le manque de transparence dans la formation du Comité Loharano. Il y avait ceux qui dénonçaient le choix des membres par le chef fokontany qui se faisait en catimini dans certains quartiers, et dans d’autres, des volontaires prenaient le relais. La non-organisation d’une assemblée générale au niveau du fokontany a été soulignée par la communauté locale. Ce qui a créé des grognes accusant le chef fokontany de principal auteur. Les principales attributions du Comité Loharano ne sont pas portées à la connaissance du grand public, certains ménages pensent que c’est cette structure qui est en mesure de valider l’éligibilité du bénéficiaire des aides humanitaires.

Incohérence

« Nous avons mis en place le Comité Loharano composé d’une trentaine de membres répartis sur trois secteurs. Jusqu’à présent, cette structure n’a pas été validée par la Commune Urbaine d’Antananarivo, alors que ce sont les membres du comité au niveau du fokontany qui ont exercé les attributions du Comité Loharano pendant la distribution du Vatsy Tsinjo et Sosialim-bahoaka», explique un membre du comité fokontany dans le quartier d’Andranomanaliana. Un responsable au niveau de la CUA a apporté des explications par rapport à cette situation : «Pour le moment, ces structures ne sont pas opérationnelles. A ma connaissance, aucune information officielle sur le texte régissant le Comité Loharano n’a pas été communiqué. Sur le terrain, pendant la distribution des aides humanitaires, nous avons assisté à la mise en place de plusieurs Comités Loharano dont un au niveau du fokontany, une autre structure au niveau des arrondissements. Alors, pour éviter le doublon, nous n’avons validé aucun Comité Loharano» , détaille Tantely Rakotomanga, Chef de service de la vie communautaire et citoyenneté au niveau de la CUA.

Près de 103 351 ménages dans les 192 fokontany ont bénéficié de la première vague du Tosika Fameno dans la Commune Urbaine d’Antananarivo. Le manque de communication a été une faille pendant la distribution des aides humanitaires, qui est devenue une source de problèmes et de mécontentements des riverains. « Nous avons constaté que l’information n’a pas été bien transmise à la communauté locale sur l’existence du Tosika Fameno. De même pour l’organisation, l’enquête pour le Tosika Fameno a été faite le même jour que la distribution du Vary mora. La plupart des habitants se précipitaient vers le Vary mora», rajoute-t-il. Ce dernier suggère à l’autorité de faire appel à des professionnels dans le domaine de la sensibilisation communautaire afin qu’il n’y aura plus de malentendu pour la population.

Constat de manque d’organisation dans la distribution des aides sociales

Les remarques apportées dans cet article relatant les défaillances lors de la distribution des aides sociales pendant le confinement n’est pas de dénigrer qui que ce soit, mais de prévoir ce qu’il faut faire à l’avenir. C’est un suivi-évaluation qui va émettre des critiques constructives et de pertinentes recommandations en vue d’avancer dans les processus de la transparence et de la bonne gouvernance.

Les dirigeants malagasy ont recueilli des aides financières de la part de ses partenaires techniques et financiers internationaux pour remédier au confinement décrété dans tout le territoire malagasy. Ainsi, des aides sociales ont été apportées sous diverses formes comme : Vatsy Tsinjo, Tosika Fameno, Sosialim-bahoaka… Les signalements recueillis auprès de la population bénéficiaire de ces aides ont faits ressurgir le souci de la Société Civile sur les défaillances de l’organisation, sur le mode de sélection des bénéficiaires et sur la distribution proprement dite.

Le confinement décrété a arrêté toutes les sources de revenus de la population. Quoique ce soit, les actions du Gouvernement sont louables surtout pour ceux qui ont bénéficié de ces aides. Mais c’est surtout le mode de distribution qui a charrié beaucoup de plaintes. Un bon nombre de critiques a été reçu auprès des organisations de la Société Civile. Les enquêtes ont été faites sur trois entités distinctes dont les simples citoyens, les bénéficiaires des aides et auprès des observateurs eux-mêmes. Tout d’abord, il y a ce sentiment d’incompréhension générale des divers comportements des responsables qui veulent tout faire et qui ont été finalement débordés lors de la distribution. C’est une des raisons pour laquelle il y a eu quelques troubles. Ces cas se sont surtout présentés dans les localités suivantes :

-Fokontany Manarintsoa Atsinanana dans le premier arrondissement ;

-Fokontany Tsiadana dans le deuxième arrondissement ;

-Fokontany Tsarafaritra dans le quatrième arrondissement ;

-Et le Fokontany Ambodimita dans le sixième arrondissement.

Dans certains quartiers, même s’il y avait eu une liste des bénéficiaires en bonne et due forme, ceux qui ont été évincés de la liste finale ont exprimé leur colère parce qu’ils n’ont pas compris le système de triage employé. En effet, non seulement il y avait des doublons mais il y avait aussi d’autres individus qui n’habitent même pas dans le fokontany et qui sont inscrits dans la liste. Ce sont des suspicions qui se faisaient entendre sur les sites de 67ha Avaratra Andrefana dans le premier arrondissement, à Ambohibary Antanimena dans le troisième arrondissement, ainsi qu’Ambodihady dans le sixième arrondissement. C’est une preuve que la préparation a été faite dans la hâte et n’a pas été bien organisée. La coordination globale ne peut être ignorée. Ce n’est pas qu’il est impossible de s’organiser mais c’est tellement vague. Après tout, même le texte d’application réglementaire n’existait pas. C’était fait avec beaucoup de simplicité et de surprise, alors que nous vivons dans une République. Il existe un système clair et tout est conforme à la loi. Malheureusement, le cadre légal qui devait être appliqué n’a pas été utilisé pour coordonner et organiser l’événement.

Est-ce qu’il y a eu tellement d’exécutants que les organisateurs ont été débordés ? Ainsi, chacun l’a fait à sa manière. Les profiteurs en ont pris de l’ampleur.

Il y avait des plaintes sur la manière de distribuer ces aides. Il y avait même des distributions qui ont commencé ou/et duré pendant la nuit sans prendre en considération le couvre-feu et les gestes barrières. Quelques policiers ont assisté à la distribution mais n’ont pas pu contenir la colère des habitants qui semblaient souffrir et attendre longtemps, alors que l’article distribué ne correspondait même pas aux efforts fournis par ceux qui sont faibles ou considérés comme vulnérables. Dans le cas du Tosika Fameno par exemple, la deuxième vague a été plus organisée que la première, même si les responsables se sont quelque peu plaints du non-respect des réglementations sanitaires. La corruption et l’égoïsme n’ont généralement pas été évités, provoquant des troubles mineurs ou majeurs dans la communauté. Heureusement, il existe des plateformes mises en place pour recevoir des plaintes du grand public, dans 48% des lieux d’observation dans la capitale, même si cela ne couvre pas tous les domaines. Les Comités Loharano ou le comité local des fokontany sont souvent critiqués pour ternir leur mode de désignation.

La question se pose souvent à savoir comment les soi-disant vulnérables sont choisis et devraient bénéficier de ces diverses aides. On a toujours dit qu’il y a des foyers qui ont bénéficié des trois types d’aides sociales. Par contre, il y avait aussi des ménages qui ne figuraient jamais sur la liste pour diverses raisons qui n’ont pas été élucidées. Il y avait même des fokontany entiers qui n’avaient aucun membre sur la liste des bénéficiaires. Il y avait des dirigeants locaux qui vendaient des « Karine-pokontany » pour une valeur de quinze mille Ariary. Cela nous renvoie vers une remise en question des critères de vulnérabilité.

Cela a également provoqué des plaintes de la part de diverses personnes qui ont remarqué que de nombreux bénéficiaires ont leurs propres voitures et ont porté des gants en plastiques, des visières et des cache-bouches de grande valeur pendant la distribution.

Il est donc très important d’affirmer que tout le monde a été victime de cette pandémie et était vulnérable au sens propre du terme. Tout le monde devrait bénéficier des aides sociales distribuées par l’administration. En fait, la liste des bénéficiaires n’avait plus raison d’être triée puisque chaque fokontany possède déjà sa liste, objet du recensement de cette année. Ce qui revient à se douter de l’existence des doublons qui ont fait penser aux dirigeants de faire d’autres recensements.

Finalement, si les défaillances ont été flagrantes, le peuple malagasy est étonné de n’avoir pas entendu de poursuites judiciaires sur ces affaires de mauvaises organisations, de corruption et d’abus de pouvoir.

La transparence budgétaire, pièce maîtresse de la bonne gouvernance

L’opinion publique et les organisations de la société civile participent à l’atténuation des risques de corruption, de fraude ou de détournement. Les OSC ont participé vivement au contrôle et au suivi de la distribution des aides d’urgence fournies par l’Etat.

« Il faut admettre qu’il y a bien eu quelques irrégularités pendant les opérations de distribution des aides sociales que l’Etat a mis en œuvre. Mais en général, pour Antananarivo, les ménages les plus vulnérables, à peu près 95%, ont pu bénéficier du Tosika Fameno, du Vatsy Tsinjo et du Sosialim-bahoaka», explique Harijaona Andriamoraniaina, Coordinateur Technique du mouvement Rohy. Suivant les résultats de l’enquête réalisée dans le cadre du projet STEF – COVID19, des anomalies ont été constatées durant la distribution. 9% des bénéficiaires interrogés dénoncent qu’il y a eu des corruptions dans la procédure d’enregistrement des bénéficiaires potentiels au niveau des fokontany. « Il faut viser un peu plus loin en termes de gestion de la population, et mettre en place et en œuvre ladite base de données, pour éviter les désorganisations, etc. A mon avis, les troubles ont été inévitables vu que c’est l’organisation et le logement même qui sont en désordre, sans parler de notre population qui est très dynamique », confie le sociologue Lanto Ratsida.

A titre de rappel, après le désordre et les mécontentements de la population, lors des distributions du Vatsy Tsinjo, les membres du gouvernement, suivant la directive du Président de la République, se sont impliqués dans les opérations d’identification des bénéficiaires et de distribution des aides sociales. «Des mesures doivent être prises pour le cas des responsables qui n’ont pas effectué leurs tâches et responsabilités respectifs comme il se doit», suggère Harijaona Andriamoraniaina au vu des manifestations publiques revendiquant la transparence pour la gestion de ces aides sociales.

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