A ce jour, le montant exact et vérifié des dépenses allouées à la lutte contre la pandémie COVID19 n’est pas encore connu en raison des difficultés liées au recoupement des données financières à la base. Les analyses suivantes sont ainsi des tentatives de recoupement établies sur la base du rapport financier publié sur le site web du MEF , dont la dernière mise à jour date du 08 avril 2021, et des données du SIGMP.
4.1 La situation des engagements financiers en matière de lutte contre la COVID19

L’Etat malgache a engagé 1 894 milliards d’Ariary. Le volume des engagements des dépenses liées directement ou indirectement à la gestion du Covid-19, ainsi que les dépenses effectuées sur les aides budgétaires reçues pendant la période COVID représente environ 13% du budget général de l’Etat. Ce volume d’engagement représente approximativement 62% du budget du PMDU et 110% des décaissements effectifs des financements attribués par les PTF (446 millions d’USD). Une grande partie (95%) des fonds engagés concernent la subvention de la JIRAMA à raison de 866 Milliards d’Ariary et les dépenses liées directement à la COVID19 (Spécial COVID)
4.2 La situation des paiements :
4.2.1 Important volume de paiement (87%) au niveau du MEF, en raison de la subvention de la JIRAMA
En date du 08 avril du 2021, les paiements effectifs relatifs à la lutte contre la COVID19 s’élèvent à 1 053 milliards d’Ariary. Les plus gros payeurs de l’Etat sont notamment le MEF, le MEN, MINSAN, le MENETP, le MEAH, le
MID, le MDN, le SEG et le MSP. Cependant, le MEF compte à lui tout seul 920 milliards d’Ariary, représentant 87% des paiements totaux et 48% des engagements totaux. A priori, ces paiements correspondent essentiellement
aux subventions de la JIRAMA qui s’élèvent à 845 milliards d’Ariary.

Néanmoins, conformément au PMDU, l’appui transversal au secteur privé est la seule ligne de crédit pouvant être imputée pour le financement de la subvention du secteur privé : le rapport du MEF fait état de 161 Milliards d’Ariary à titre de Transferts pour subvention au secteur privé et 775 Milliards d’Ariary à titre de PIP sur financement externe. Ainsi, le projet s’interroge sur l’imputation du paiement des subventions de la JIRAMA.
4.2.2 Faible taux de paiement des secteurs sociaux

Comparé aux autres ministères et institutions publiques, les ministères sociaux ont un faible taux de paiement : MEAH (48%), MEN (33%), MINSAN (17%), MESUPRES (7%).
4.2.3 Faible taux de paiement des dépenses en lien direct avec la lutte contre la COVID19
Hormis les dépenses réalisées par le MEF qui représentent 87% des paiements effectifs, il y a également selon le rapport du Secrétariat Technique Permanent (STP) du copil PMDU, les dépenses à caractère social et les frais médicaux, les opérations « Vary Mora », les indemnités, les dépenses spéciales liées au COVID19, et les subventions octroyées aux Enseignants Non Fonctionnaires (ENF). 56% des engagements ont déjà fait l’objet de paiement. Le dépenses en lien direct avec la COVID19 sont celles avec le plus faible taux de paiement, soit 17%. Les détails des dépenses seront présentés dans les parties infra.

4.2.3.1 Caractère social – frais médicaux
Près du quart de la totalité des dépenses en frais médicaux des fonctionnaires se rapporte au COVID19. Il s’agit ici de dépenses de transferts qui s’élèvent à 14 milliards d’Ariary et concernent essentiellement les frais d’hospitalisation, de soins et de traitements des agents de l’Etat. L’intégralité des dépenses, notamment des 722 engagements de dépenses, est enregistré au nom du MEF. Le montant des prises en charge et des remboursements peut aller jusqu’à 40 millions d’Ariary. En comparaison avec la période précédant la crise sanitaire COVID19, le montant des frais d’hospitalisation a été de 59 Milliards d’Ariary si l’on se réfère à l’année 2019. Le rapport d’exécution de la LFR2020 fait état de 51 Milliards d’Ariary de prise en charge et de remboursement pour l’ensemble des ministères sectoriels et institutions. Le rapport du MEF sur l’utilisation du fonds COVID19 ne présente cependant
que les frais d’hospitalisation et les remboursements de frais médicaux engagés par le MEF. Ainsi, les frais médicaux des agents de l’Etat relatifs au COVID19 représentent 27% de la totalité des prises en charge et remboursements des frais médicaux.
Afflux des prises en charge vers le Centre de Santé Polyclinique et Maternité d’Ilafy
Les tiers ou bénéficiaires in fine des dépenses ont été le Centre de Santé Polyclinique et Maternité d’Ilafy avec 48%, l’institut Pasteur de Madagascar (20%) et l’Institut Médical de Madagascar (18%) correspondant à des prises en charge directes par l’Etat. En rajout de cela, des remboursements de frais médicaux représentants 8% du montant total.

Evacuation sanitaire (EVASAN)

Les frais relatifs aux évacuations sanitaires représentent quant à eux 3% des frais d’hospitalisation avec un montant de 485 344 232,96 Ariary. Il s’agit d’évacuations sanitaires de hauts fonctionnaires ou agents de l’Etat
retraités vers la France Métropolitaine et la Réunion ainsi que le montre le tableau ci-dessous:

4.2.3.2 Caractère social Vary mora
Manque de précisions autour des “Vary Mora”. Il s’agit ici de l’approvisionnement de “Vary Mora” pour un montant total de 42 milliards Ariary, dont 20 milliards d’Ariary auprès de State Procurement of Madagascar (SPM) et 21 milliards d’Ariary auprès du Receveur Général Antananarivo au profit la BCM. Les paiements effectués correspondent à 20 milliards d’Ariary. A ce titre, une initiative dénommée Vary Tsinjo a été mise en place à travers le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (MICA) : le riz importé est commercialisé à 1 500 Ariary le kg, et chaque foyer ne peut acheter que 5 kg de riz par semaine. A l’achat du riz, le carnet “fokontany” est demandé. D’une part, le PMDU n’a pas précisé les prévisions en tonnes pour l’acquisition de riz et d’autre part, le rapport présenté par la CPGU au niveau du comité de pilotage du PMDU ne présente pas non plus ces détails. Néanmoins, nous pouvons supposer que le riz importé par le biais du SPM a été utilisé pour les programmes “Kaly Tsinjo” et “Vatsy Tsinjo”.
A cet effet, le projet STEF s’interroge sur le montant des recettes issues de la vente de riz à prix bradé, l’éventuelle affectation de ces recettes, et la répartition de ce riz au niveau des programmes Kaly Tsinjo, Tsena Mora…
4.2.3.3 Indemnités
Des indemnités n’ayant pas nécessairement de lien direct avec la lutte contre la COVID19

Les engagements en matière d’indemnités, c’est-à-dire les frais de mission, les indemnités de fonction et autres dans le cadre de la lutte contre la COVID19 s’élèvent à 16 milliards d’Ariary, moyennant 6 milliards de paiement. Après revue de l’objet de ces dépenses, l’équipe du projet STEF a noté que certaines indemnités n’ont pas nécessairement de rapport direct avec la lutte contre la COVID19. Le rapport du MEF a présenté environ 606 onglets de dépenses engagées. Le risque que certaines dépenses n’aient aucun rapport avec la lutte contre la COVID19 est important, et qu’elles soient traitées avec les procédures dérogatoires d’exécution des dépenses.
4.2.3.4 Spécial COVID
Ecart entre le récapitulatif des dépenses et la liste des engagements 929 milliards d’Ariary ont été engagés, dont 265 milliards d’Ariary au niveau du fonds de riposte COVID19. Après recoupement sur le portail en ligne du MEF, le projet STEF a pu comptabiliser des engagements à hauteur de 292milliards d’Ariary. Ainsi, il existe un écart de 637 Milliards d’Ariary. Cet écart pourrait être attribué encore une fois à la non-exhaustivité des dépenses enregistrées. Néanmoins, force est d’admettre que l’écart reste tout de même significatif et que l’utilisation de cet écart reste inconnue jusqu’ici.
Dépenses CCO, centralisées à Analamanga et principalement axées sur les matériels médicaux. Le CCO COVID19 a disposé d’une régie d’avance correspondant à un montant de 31,7 milliards d’Ariary pour lui permettre de mener une réponse rapide. Les dépenses du CCO n’ont pas été comptabilisées dans les dépenses COVID19. L’essentiel des dépenses se sont rapportées à l’acquisition de matériels médicaux (21%), de restauration
(11%), de masques (10%), d’Artemisia (9%), d’installation et réhabilitation (9%). Entre autres, 97% des dépenses au niveau du CCO ont été dépensées dans la région Analamanga.

Quelques précisions nécessaires autour du financement du Covid Organic.
Les dépenses liées à la fabrication du remède traditionnel amélioré CVO (Covid Organics) s’élèvent à 499 313676 Ariary. Tandis que l’acquisition de l’Artemisine pour la fabrication de ces dernières s’élèvent à 2 740 147 643 Ariary. Dans un premier temps, la fabrication du CVO était principalement gérée par l’IMRA et l’entreprise VIDZAR. Plus tard, l’Etat malagasy a procédé officiellement au lancement de l’usine Pharmaceutique Pharmalagasy et à la présentation des gélules CVO+18 . Le rapport de la CPGU présenté devant le comité de pilotage du PMDU a montré que des paiements en faveur de Pharmalagasy s’élevant à 128 520 000 Ariary sont en cours de réalisation.
4.2.3.5 Subvention JIRAMA
Le montant des engagements concernant la subvention à la JIRAMA est de 866 milliards Ariary, tandis que le paiement effectué est de 845 milliards d’Ariary.

4.2.3.6 Appui transversal au secteur privé
Conformément au PMDU, l’Etat malagasy a également prévu d’appuyer le secteur privé. Après recoupement des acteurs, le projet STEF a pu identifier les appuis suivants :
o Un refinancement du secteur privé : 64 millions d’USD ;
18 http://www.presidence.gov.mg/actualites/995-lancement-officiel-de-l-usine-pharmalagasy-et-presentation-de-la-gelule-cvo.html2 6
o Le prêt Miarina destinés aux TPE à travers le programme Fihariana : 45 milliards d’Ariary en 2020 et 5 milliards d’Ariary en 2021.
Aperçu des marchés publics COVID19

o FRN : Fournitures
o PI : Prestations Intellectuelles
o PS : Prestations de Service
o TVX : Travaux

• Les marchés de fournitures constituent les principaux marchés COVID19, que ce soit en volume et en valeur :
• En temps normal, 19 marchés publics sur 124 auraient fait l’objet d’un appel d’offres ou d’un contrôle a priori ainsi que montre le tableau ci-dessous.
• Cependant, après recoupement au niveau du Système informatisé de gestion des marchés publics (SIGMP), nous avons noté que la liste des marchés publics publiée sur le site web du MEF n’est pas exhaustive. 96 marchés publics attribués en gré à gré ont été analysés par l’équipe du projet STEF.
• Après consolidation, le projet STEF a pu dénombrer 220 marchés publics dont 124 que l’on peut retrouver sur le portail en ligne du MEF et 96 autres MP non-retracés au niveau du SIGMP.
• Après l’analyse des données, une descente sur terrain a été menée par une équipe d’observateurs sur dix (10)marchés publics pour observer : (i) le libre accès à la commande publique, (ii)) l’égalité de traitement des candidats, et (iii) la transparence des procédures.
Les principaux constats des descentes sur terrain ont été les suivants :
o Sur les rapports justificatifs :
Même si disposant d’une justification, les raisons évoquées dans les rapports justificatifs ne sont pas toutes détaillées et ne relèvent pas systématiquement de la COVID19. A titre d’illustration, le marché portant sur les travaux d’aménagement et fournitures de la structure d’accueil pour le diagnostic biologie moléculaire au CHUJRA par le MINSAN ne dispose
pas de rapport justificatif. D’ailleurs, le caractère urgent de certains marchés n’est pas justifié.
o Sur la capacité des attributaires :
Il a été noté que certains attributaires ne justifient pas des qualifications requises à l’exemple du marché de travaux de réhabilitation du centre d’isolement avec sas extérieur pour lequel le prestataire est inconnu au niveau de sa localité.
o Sur les prix
Les prix sont souvent supérieurs au prix du marché. Pour le marché du MEF concernant l’achat de 17 700 masques, le bordereau de prix révèle un prix unitaire s’élevant à 10.000 Ariary. Suite aux entretiens avec la personne responsable du marché public (PRMP) et le titulaire du marché, il s’est avéré que les justifications sur la fixation du prix n’ont pas été claires. Aucune explication convaincante n’a été fournie sur les composantes du prix qui reste excessivement supérieur à la norme.
o Sur l’accès aux données sur les marchés publics :
Malgré l’introduction par l’ARMP, l’équipe d’observateurs ont fait face à des difficultés dans la collecte des données. Les observateurs des Marchés Publics du projet STEF ont réalisé de nombreux va-et-vient dans la collecte des données et ont ressenti beaucoup de réticence de la part des agents publics dans la mise à disposition des données. L’accès aux informations et la possibilité d’exercice du contrôle citoyen des marchés publics par les organisations de la société civile restent problématiques.
Suivi de la Transparence et de l’Effectivité des Fonds publics alloués aux réponses à la pandémie COVID-19 | Juin 2021