Tous les pays du monde continuent de lutter contre la pandémie COVID19 à travers l’élaboration et la mise en œuvre le plans de riposte multisectoriels mobilisant d’importants financements, souvent couplée avec l’assouplissement des règles financières exigé par l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. La transparence et la redevabilité dans la gestion des fonds de lutte contre la COVID19 sont ainsi d’une importance capitale pour prévenir et minimiser les risques de corruption. Madagascar a été parmi les pays qui ont pris certaines mesures favorables à la transparence comme la création de fonds spéciaux COVID19 et la mise en place de portail en ligne pour respectivement centraliser et mieux retracer les fonds COVID19 et convenablement rapporter les dépenses effectuées. Le présent bulletin n°) 5 de STEF analyse et fournit nos constats par rapport à ces mesures et propose des recommandations d’améliorations ou pose des questionnements sur certaines zones d’ombres autour de leur opérationnalisation. Le retard dans l’opérationnalisation du fonds COVID19 décidé en juillet 2020 mais qui n’a été effectif que huit (8) mois après et la publication tardive par le MEF des données financières relatives à l’utilisation des fonds COVID191 qui n’a été effective qu’en décembre 2020 sont les principales sources de non transparence entraînant l’inefficacité de la gestion des fonds COVID19. Néanmoins, l’analyse des rapports publiés permet de tirer quelques conclusions intéressantes et d’alerter sur les faiblesses suivantes :
– Les rapports publiés ne sont pas conformes aux exigences du décret portant création du «Fonds de riposte à la pandémie Covid-19 » : Ils ne sont pas mensuellement produits et mis à jour et présentent beaucoup de lacunes en matière d’exhaustivité et d’exactitude d’informations.
– 81%, 16 millions USD sur les 20 millions de dons prévus ont été décaissés provenant essentiellement d’Agences bilatérales (Chine, Norvège, France/AFD, Monaco) et multilatérales (UE, OMS, PNUD).
– Très Faible implication de l’Etat malagasy dans le financement de la lutte contre la pandémie COVID19.
o Sur les 925 millions d’USD mobilisés pour le financement du fonds COVID19, 842 millions, soit 91% sont des financements des PTF.
o S’agissant des financements externes retracés dans le budget de l’Etat, Madagascar a pu percevoir 817 Millions d’USD dont 446 Millions d’USD de décaissements effectifs essentiellement composés par les appuis budgétaires du FMI et de la Banque Mondiale.
– Jusqu’au mois d’avril 2021, le fonds de riposte COVID19 de 265 milliards d’Ariary (215 milliards reconduits de la LFR 2020 et 50 milliards supplémentaires dans la LFI 2021) n’a pas été mobilisé alors que les besoins d’utilisation sont multiples notamment pour les équipements et agents de santé.
– En date du 08 avril 2021, l’Etat malgache a engagé 1 894 Milliards d’Ariary représentant environ 13% du budget général de l’Etat et approximativement 62% du budget du PMDU sur lequel le volume de paiement est de 1 053 Milliards d’Ariary (56% des engagements).
– La subvention de la JIRAMA qui s’élève à 845 Milliards d’Ariary représente à elle seule les 80% des paiements effectués. Ces paiements, qui au final bénéficient aux Entreprises privées fournisseurs de la JIRAMA, ont été payés avec célérité et presque en totalité (98% de paiements par rapport aux engagements).
– Comparé et presque en contraste avec cette célérité au niveau du MEF, les ministères sociaux ont des faibles taux de paiements : MEAH (48%), MEN (33%), MINSAN (17%), MESUPRES (7%).
– Le tiers de la totalité des dépenses en frais médicaux des fonctionnaires se rapporte au COVID19. Ces dépenses de transferts s’élèvent à 14 031 768 481,46 Ariary et concernent essentiellement les frais d’hospitalisation, de soins et de traitements des agents de l’Etat.
o On constate un afflux des prises en charge vers le Centre de Santé Polyclinique et Maternité d’Ilafy qui bénéficie des 48% des frais d’hospitalisation et de remboursements (IPM/20% et l’IMM/18%) pris en charge par l’Etat.
o L’évacuation sanitaire de hauts fonctionnaires ou agents de l’Etat vers la France Métropolitaine et la Réunion représente 3% des frais d’hospitalisation avec un montant de 485 344 232,96 Ariary.
– Quant aux dépenses sociales, on constate l’approvisionnement de “Vary Mora” pour un montant total de 42 Milliards Ariary auprès de State Procurement of Madagascar et auprès du RGA au profit la BCM. Aucune information ni sur le poids total des riz importés par le SPM, ni sur la répartition de ces riz au niveau des programmes Kaly Tsinjo, Tsena Mora n’est indiquée.
STEF s’interroge sur le montant des recettes issues de la vente des riz à prix bradé et l’éventuelle affectation de ces recettes.
– Concernant le fonds SPECIAL COVID, 929 Milliards d’Ariary ont été engagés. Après
recoupement sur le portail en ligne du MEF, STEF a pu comptabiliser des engagements à hauteur de 292 Milliards d’Ariary. Ainsi, il existe un écart de 637 Milliards d’Ariary qui pourrait être attribué à la non-exhaustivité des dépenses enregistrées. Néanmoins, l’écart reste significatif et l’utilisation de cet écart reste donc inconnu jusqu’ici. Concernant les marchés publics COVID19, le rapport du MEF transmis par l’ARMP fait état de 124 marchés publics d’un volume total de 11 Milliards d’Ariary.
– L’analyse des 124 MP publié sur le portail en ligne du MEF a révélé que les marchés de fournitures constituent les principaux marchés COVID19, que ce soit en volume (86%) et en
valeur (92%)
– Cependant, après recoupement au niveau du SIGMP, STEF a pu dénombrer 220 marchés publics dont 124 que l’on peut retrouver sur le portail en ligne du MEF et 96 autres MP que l’on a pu retrouver au niveau du SIGMP. A l’issue de nos analyses,
Nous avons pu noter que :
o Sur les 96 marchés publics en gré à gré, 18 n’apparaissent dans la liste des marchés publiés du SIGMP ;
o Sur les 96 marchés publics en gré à gré, seul un marché ne dispose pas de rapport justificatif ;
o 198 marchés sur les 220 font l’objet d’un contrôle a priori par l’ARMP ;
o 157 marchés sur 220 : le titulaire du marché a remporté au plus 5 marchés au total ;
o 120 marchés sur 220 : Le titulaire du marché a remporté au plus 100 millions d’ariary de marchés au total.
• Après l’analyse des données, une descente sur terrain a été menée par une équipe d’observateurs sur dix (10) marchés publics. Les principaux constats des descentes sur terrain ont été les suivants :
o Sur les rapports justificatifs : Les raisons évoquées dans les rapports justificatifs ne sont pas toutes détaillées et ne relèvent pas systématiquement de la COVID19. D’ailleurs, le caractère urgent de certains marchés n’est pas justifié.
o Sur la capacité des attributaires : Certains attributaires ne justifient pas les qualifications requises et sont même presque inconnus.
o Sur les prix : Les prix sont souvent supérieurs aux prix du marché. Sur certains marchés, les justifications sur la fixation du prix n’ont pas été claires ou aucune explication convaincante n’a été fournie sur les composantes de ces prix excessivement supérieures à la norme.
o Sur l’accès aux données sur les marchés publics : Malgré l’introduction par l’ARMP que nous remercions, l’équipe d’observateurs a ressenti beaucoup de difficultés et de réticences des agents publics durant la collecte des données. L’accès aux informations et la possibilité de contrôle citoyen par les Organisations de la société civile des marchés publics restent un grand défi. La société civile, le public et les citoyens restent sur leur faim concernant la volonté de l’Etat de faire la transparence et la redevabilité sur la gestion et l’utilisation des fonds COVID19. Sans transparence et redevabilité, nos craintes et nos soupçons envers les hauts dirigeants et leurs complices qui pourraient illicitement s’enrichir en profitant des procédures assouplies restent légitimes. Mba ho fitiavana ny tsy hanan-dratsy, nous ne cesserons d’alerter le Président de la République, le Gouvernement ainsi que les autres acteurs par nos analyses et nos recommandations : (i) opérationnalisation effective du fonds unique des dépenses COVID19 ; (ii) communication proactive sur les dépenses et financements COVID19 ; (iii) renforcement des contrôles notamment un audit des fonds spéciaux COVID19 (iv) collaboration étroite et dialogue avec les parties prenants notamment les OSC.
Equipe STEF
Merci pour le partage , c’est très intéressant et qu’on veut plus de détails sur le fond spécial COVID19 ,si possible par région pour plus de transparence.
Merci
Ok, on va voir ce qu’on peut faire, si les données existent.